Walter Rudametkin lutte contre le pistage en ligne par les empreintes de navigateur

Distinctions Informatique

Pour contourner les protections contre le traçage par les cookies, les traqueurs du Web récupèrent de nombreuses informations a priori peu sensibles, comme le fuseau horaire ou la version du système d’exploitation d’un internaute. La combinaison d’un assez grand nombre de ces détails permet cependant de construire une empreinte de navigateur, qui identifie et suit les usagers. Walter Rudametkin, professeur à l’Université Rennes 1 et membre de l'IRISAs’est spécialisé dans l’étude et la lutte contre le pistage par ces empreintes, des efforts qui lui valent d’être nommé membre junior de l’Institut universitaire de France.

Être unique n’a pas toujours du bon. Walter Rudametkin, précédemment membre du Centre de Recherche en Informatique, Signal et Automatique de Lille (CRIStAL - CNRS/Centrale Lille/Université de Lille), est professeur à l’Université Rennes 1 et membre de l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (IRISA - CNRS/Université de Rennes 1). Il scrute les indices qui permettent aux sites Internet de repérer discrètement les usagers et de les suivre. Séparément peu utiles, la combinaison de ces données se révèle d’une efficacité redoutable.

« Même si on prend deux ordinateurs de même marque et de même modèle, de nombreux aspects de personnalisation vont changer, explique Walter Rudametkin. Au point que les différentes informations récupérées par les traqueurs, comme l’adresse IP, les versions des systèmes d’exploitation et des navigateurs, les préférences linguistiques ou le fuseau horaire, suffisent souvent à identifier individuellement chaque machine. C’est ce qu’on appelle les empreintes de navigateur. »

Walter Rudametkin a montré que ce phénomène concernait également les smartphones et que les solutions de protection existantes restaient généralement inefficaces, voire contre-productives. En effet, les mesures prises contre le suivi des empreintes peuvent rendre l’appareil encore plus unique par rapport aux configurations classiques, et donc plus facile à distinguer.

Les ordinateurs et les smartphones présentent une empreinte unique dans 85 % des cas.

Walter Rudametkin gère depuis 2014 le site Am I Unique, qui détaille notre empreinte et nous informe si elle est unique par rapport aux visiteurs précédents. Or, c’est très souvent le cas et le phénomène est d’autant plus important que l’empreinte est basée sur des paramètres qui varient peu au fil du temps.

« Prenons un site qui stocke des cookies pour vous réidentifier plus tard et dont ses multiples traqueurs récupèrent l’adresse IP et les caractéristiques de votre mobile, poursuit Walter Rudametkin. Si un internaute le consulte chez lui, dans le métro, à la terrasse de son café préféré, au travail et chez des amis, il peut être reconnu à chaque endroit et ces données permettront de déduire où il habite, son métier, ses habitudes et ses fréquentations. Ces données peuvent également être partagées et croisées avec d’autres sites pour construire des profils très complets sur l’internaute. C’est un risque réel dont les gens parlent de plus en plus, mais sur lequel peu d’études formelles ont été menées. »

Avec l’étude des empreintes de navigateurs, qui touchent des milliards d’internautes, ma passion pour la recherche a trouvé un sujet à fort impact sociétal.

Walter Rudametkin travaille depuis sur des solutions automatisées contre le pistage par ces empreintes de navigateur. Avant cela, il a d’abord étudié la reconfiguration des logiciels en exécution, ce qui correspond à parvenir à mettre à jour des programmes massifs qui fonctionnent en permanence, et ne peuvent donc pas être éteints pour de la maintenance. Cela concerne également les clouds, qui doivent rester accessibles à tout moment. Ces thèmes ont été développés tout au long d’un parcours riche et complexe.

Walter Rudametkin a en effet principalement grandi au Mexique, ainsi qu’aux États-Unis. Il a mené un double cursus grâce à un programme d’échange franco-mexicain et est ainsi diplômé de l’université autonome de Basse-Californie (UABC), de l’ENSIMAG de Grenoble et de l’université Grenoble Alpes (UGA). Après une thèse CIFRE entre l’UGA et Bull, puis un postdoctorat à l’Inria de Rennes, il est recruté comme maître de conférences.

« Pendant mes études, je me disais chaque année que j’allais retourner au Mexique, avoue Walter Rudametkin. C’était difficile au début, car je ne parlais alors pas français. J’ai finalement persévéré et accepté un poste en France, ce qui a été le bon choix. J’ai pu construire ma carrière et trouver ma place grâce à l’aide de mes collègues. » Une décision confirmée par une année 2022 sous le signe de la réussite, car Walter Rudametkin a obtenu son habilitation à diriger des recherches, puis a été nommé quelques semaines plus tard membre junior de l’Institut universitaire de France, à une chaire fondamentale.

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Walter Rudametkin
Professeur à l'Université Rennes 1, membre de l'IRISA