Sonia Ben Mokhtar, la protection des internautes au cœur de ses ambitions

Institutionnel Informatique

À travers ses recherches, Sonia Ben Mokhtar œuvre au développement de systèmes distribués fiables qui préservent notre vie privée. Au sein du Laboratoire d'informatique en image et systèmes d'information (LIRIS - CNRS/INSA de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), l’informaticienne recherche des solutions logicielles et matérielles face à des adversaires de plus en plus puissants. Riche de cette expertise, elle vient de prendre la direction du Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) Cybersécurité1 pour le CNRS.

  • 1Les PEPR sont des programmes de recherche financés par France 2030 et pilotés ou co-pilotés par les organismes de recherche français. Le PEPR Cybersécurité est copiloté par le CNRS, le CEA et Inria.

« J’ai toujours été passionnée par les systèmes distribués. Je trouve cela fascinant de voir comment avec l’informatique via Internet et un ensemble de machines interconnectées par un réseau, nous arrivons à faire quelque chose d’utile pour l’humanité », s’enthousiasme Sonia Ben Mokhtar, directrice de recherche CNRS en informatique au LIRIS.

Lors de sa thèse à l’Université Pierre et Marie Curie, la chercheuse s’intéresse, tout d’abord, aux systèmes mobiles. Son objectif : découvrir les fonctionnalités offertes par de nouveaux dispositifs informatiques embarqués et les orchestrer ensemble pour répondre à une tâche. Elle poursuit sur ce thème pendant deux ans à l’University College of London, avant d’entrer au CNRS en 2009.

Ses recherches s’orientent alors vers la protection de la vie privée. « À l’époque, les smartphones ont commencé à envahir notre espace personnel. Je me suis concentrée sur la protection des informations de géolocalisation », se remémore Sonia Ben Mokhtar. Particulièrement critiques, ces données peuvent divulguer le lieu de résidence et de travail d’une personne, ses préférences religieuses et sexuelles selon les lieux qu’elle visite, etc. La chercheuse étudie en parallèle d’autres systèmes distribués : les moteurs de recherche, les systèmes de recommandations (VOD, etc.) et la sensibilité des données qu’ils utilisent. Toutes ces applications ont un point commun : elles requièrent des solutions de protection qui ne dégradent pas la qualité de service.

Il y a un manque de communication et de sensibilisation quant aux risques de partager sciemment nos données personnelles comme notre géolocalisation.

Pour cela, Sonia Ben Mokhtar analyse et développe des solutions logicielles, matérielles ou hybrides combinant les deux. Les logiciels s’appuient sur une association de solutions existantes ou la réalisation de nouveaux algorithmes d’anonymisation. Les avancées matérielles reposent sur l’utilisation des sous-systèmes sécurisés qui garantissent la confidentialité des informations qu’ils hébergent. « Sur ce point, nos recherches portent notamment sur le partitionnement (semi-automatique) d’applications, de sorte que la partie critique associée aux données d’une application soit protégée par le sous-système sécurisé et que le reste du service utilise le processeur principal », explique la chercheuse.

Depuis peu, Sonia Ben Mokhtar s’intéresse aussi à la décentralisation des services en ligne. Elle constate que de plus en plus de systèmes distribués ont une gouvernance centralisée tels que les réseaux sociaux, les places de marché ou encore les moteurs de recherche. « Il y a une convergence de nos données personnelles vers des entités qui nous offrent un service, mais en contrepartie nous profilent, et peuvent aller jusqu’à vendre nos données », remarque la chercheuse. Ses recherches visent ainsi à décentraliser les algorithmes d’apprentissage au cœur des services en ligne qui utilisent nos données personnelles. Cela permettra de bénéficier de ces algorithmes tout en ayant un meilleur contrôle sur nos données personnelles qui ne quitteront plus nos machines.

Les technologies nous augmentent, mais elles accroissent aussi les risques pour notre vie privée. Selon moi, il y a trois piliers pour minimiser ces risques : les évolutions technologiques via des mécanismes de protection, la législation et l’éducation des utilisateurs.

Dans la continuité de l’ensemble de ses travaux, Sonia Ben Mokhtar prend désormais la direction, pour le CNRS, du PEPR Cybersécurité. Le programme fera monter en puissance les capacités de la recherche française et le développement de cette filière. « J’ai à cœur de profiter de cette opportunité pour assurer la connexion entre les projets et faire en sorte que l’écosystème cybersécurité avance de manière efficace », confie Sonia Ben Mokhtar.

Contact

Sonia Ben Mokhtar
Directrice de recherche CNRS au LIRIS, directrice de programme du PEPR Cybersécurité pour le CNRS