Jean-Marc Jézéquel face à l’incertitude dans les logiciels

Distinctions Informatique

Malgré la nature mathématique des algorithmes, les logiciels les mettant en œuvre sont affectés par différentes sources d’incertitude, notamment lors de leur exécution. L’étude et la prise en compte de l’ensemble de ces sources d’incertitude sont au cœur des travaux de Jean-Marc Jézéquel, professeur à l’Université de Rennes et membre de l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (IRISA - CNRS/Université de Rennes). Il a été nommé sur une chaire fondamentale de l’Institut universitaire de France (IUF), en tant que membre senior, afin d’explorer et de tenter de maîtriser l’incertitude en informatique, en particulier pour faciliter la reproduction de calculs scientifiques complexes.

« Ma conception de l’informatique est un peu polémique. Pour moi, la discipline n’est pas une sous-branche des mathématiques, car, ancrée dans le réel, elle impose de bâtir des modèles qui tiennent compte du fait que l’on ne maîtrise pas entièrement ce qu’il se passe. » Professeur à l’Université de Rennes et membre de l’IRISA, laboratoire dont il a également été directeur pendant neuf ans, Jean-Marc Jézéquel est un spécialiste reconnu du génie logiciel, qu’il aborde à l’aide de modèles.

« L’idée est de traiter le logiciel non pas seulement comme un outil, mais comme un objet d’étude en tant que tel, explique Jean-Marc Jézéquel, dont les travaux lui ont valu des récompenses telles que la médaille d’argent du CNRS. Le logiciel a ceci de particulier qu’il se situe à la frontière entre les mathématiques et le monde réel, car, contrairement à un théorème mathématique qui existe dans son abstraction, le logiciel est conçu pour répondre à un besoin souvent flou, et doit être exécuté par une machine nécessairement imparfaite. »

Mon sujet d’étude est la maîtrise des incertitudes et de la marge d’erreur qu’elles provoquent.

Malgré le contrôle que l’on a sur la fabrication des composants, l’exécution d’un programme comporte en effet une part inhérente d’incertitude. Les logiciels sont de plus créés en fonction de besoins exprimés par les utilisateurs, besoins qui peuvent être mal formulés ou bien interprétés de plusieurs façons différentes. Différentes méthodes peuvent aussi exister pour résoudre le même problème. Ces ambiguïtés s’accumulent et impactent les performances des programmes, voire leurs comportements.

Les modèles, qu’il renforce en leur offrant de solides fondements théoriques, permettent à Jean-Marc Jézéquel de quantifier et de prendre en compte ces problèmes. Il passe ensuite par des phases d’expérimentations et de tests, afin de vérifier que ces modèles sont bien en phase avec le réel. Nommé cette année à une chaire fondamentale en tant que membre senior de l’IUF, Jean-Marc Jézéquel va appliquer cette approche à une nouvelle question.

« Ce projet part du constat que l’on a, aujourd’hui, beaucoup de mal à reproduire les expériences informatiques, affirme Jean-Marc Jézéquel. Si l’on fait un même calcul complexe à l’aide de méthodes, de machines et de bibliothèques différentes, on n'obtient pas le même résultat à la fin. Cette réalité est par exemple critique pour les applications médicales, où l’analyse d’images et de données par des algorithmes peut servir au diagnostic de cancers. »

Comme dans n’importe quelle science, nos modèles sont une approximation de la réalité qui permet un traitement mécanistique et la déduction de ses propriétés.

Jean-Marc Jézéquel travaille à une solution où les résultats seraient représentés sous la forme d’un espace à plusieurs dimensions, ce qui, grâce à un ensemble de techniques statistiques, permet de comprendre quelle est la marge d’erreur réelle. Contrainte supplémentaire, ce système doit pouvoir fonctionner de manière efficace, notamment sur des critères comme le temps de calcul et l’énergie consommée. Des objectifs ambitieux, pour lesquels Jean-Marc Jézéquel aura la latitude nécessaire pour les mener à bien.

« La recherche est souvent organisée autour de projets courts, centrés sur des problématiques industrielles ou sociétales, souligne Jean-Marc Jézéquel. C’est très bien et j’ai d’ailleurs souvent travaillé de cette façon, mais cela ne doit en aucun cas être la seule approche. L’IUF encourage la recherche guidée par la curiosité des chercheurs et leur permet de prendre davantage de risques. »

Contact

Jean-Marc Jézéquel
Professeur à l'Université Rennes, membre de l'IRISA