Démystifier le quantique, la chaire médiation de l’IUF de Sophie Laplante
À l’Institut de recherche en informatique fondamentale (IRIF - CNRS/Université Paris Cité), Sophie Laplante, professeure d’informatique à l’université Paris Cité, explore les limites théoriques du calcul. Lauréate d’une chaire de médiation de l’Institut universitaire de France (IUF), elle met aujourd’hui son expertise au service d’un projet original : rendre les concepts de physique et d’informatique quantiques accessibles au plus grand nombre grâce à des outils visuels, interactifs et artistiques.
Sophie Laplante a les pieds bien ancrés dans la théorie. Sa spécialité : la complexité du calcul. « Nous essayons de comprendre quelles sont les limites qu’on ne pourra pas dépasser. Autrement dit, quand un algorithme est efficace, pourrait-il l’être encore plus ? Et si ce n’est pas possible, pourquoi ? », explique-t-elle. Pour ce faire, la scientifique s’intéresse aux ressources minimales comme le temps, l’espace de stockage, les échanges d’informations nécessaires pour résoudre un problème.
En parallèle de ses recherches sur les fondements de l’informatique classique, Sophie Laplante se passionne pour le calcul quantique qu’elle enseigne à des étudiants de Master. Pour ses cours, elle joue depuis longtemps sur la représentation visuelle de certains concepts de physique quantique afin de les rendre plus palpables. En 2020, sa rencontre avec la designer Lou Vettier agit comme un déclic qui va propulser ses idées en dehors de sa salle de classe.
Ensemble, elles imaginent des dispositifs pédagogiques capables de donner corps à des concepts abstraits sans passer par leurs équations. De fil en aiguille, cette idée donne naissance au projet ANR QuBOBS, une démarche collective que rejoignent l’ingénieure en informatique Sylvie Tissot et le compositeur Loris Perez.
Avec QuBOBS, l’équipe développe des kits pédagogiques manipulables, testés notamment avec des médiateurs du Palais de la découverte à Paris. Les participants peuvent explorer la cryptographie ou la téléportation quantique, avec les mains. Ces objets sont aujourd’hui adaptés en versions numériques et déclinés dans des ateliers destinés à des publics variés allant des scolaires aux adultes. La médiation pensée par Sophie Laplante se déploie aussi sur scène dans des spectacles vivants mêlant musique et gestuelle pour incarner des notions comme la superposition d’états ou l’intrication quantique.
Cette volonté de « démystifier le quantique » est un véritable leitmotiv pour la professeure. « J’essaie de montrer que le quantique n’est pas si étrange qu’on le laisse entendre. Si on distingue ce qui est vraiment aléatoire de ce qui est spécifiquement quantique, par exemple, on comprend déjà beaucoup mieux les phénomènes sous-jacents », renforce-t-elle. Par exemple, pour expliquer l’interférence, l’une des clés de la puissance des ordinateurs quantiques, elle s’appuie sur la musique. Les sons se superposent et s’annulent, comme dans les casques à réduction de bruit. De quoi offrir une métaphore sonore immédiate.
Aujourd’hui, lauréate d’une chaire médiation de l’IUF, Sophie Laplante va pouvoir donner un nouvel élan à cette aventure. Son projet ? Enrichir et diffuser ces outils auprès d’un plus large public. « Développer les dispositifs, les tester, les présenter, prend déjà énormément de temps. Pour les transmettre plus largement, il faut former d’autres médiateurs, travailler avec de nouveaux artistes, adapter les supports. L’IUF me donne l’espace pour cela », précise-t-elle.
Cette nouvelle étape reste résolument collective. Sophie Laplante insiste : « Lou apporte le regard esthétique et la traduction visuelle, Sylvie conçoit les interfaces interactives, Loris met tout en musique. Nous avons tous un rôle complémentaire qui permet d’aboutir à des outils ludiques ». Une collaboration qui renforce l’idée qu’avec les bons médiums, même l’abstraction la plus pointue peut se partager.