Une chaire IUF pour Charlotte Pelletier et l’apprentissage profond au chevet des forêts
Maîtresse de conférences à l’Université Bretagne Sud et membre de l’Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (IRISA - CNRS/Université de Rennes), Charlotte Pelletier développe des méthodes d’intelligence artificielle appliquées aux séries temporelles d’images satellitaires. Lauréate d’une chaire fondamentale de l’Institut universitaire de France (IUF), elle explore l’apprentissage continu pour anticiper, notamment, les dynamiques de déforestation.
Observer la Terre depuis l’espace, c’est plonger dans un flux continu d’images. Tous les cinq jours environ, les satellites Sentinel-1 et Sentinel-2 du programme Copernicus1 photographient la planète avec une résolution pouvant atteindre dix mètres par pixel. Une révolution pour suivre l’évolution des paysages, mais aussi un défi colossal : comment exploiter ce torrent de données ? Charlotte Pelletier développe des méthodes d’intelligence artificielle pour analyser automatiquement ces séries temporelles d’images satellitaires.
Formée en électronique et en traitement du signal, Charlotte Pelletier découvre la télédétection lors d’un stage au CNES, avant de réaliser une thèse sur la préparation d’outils adaptés aux données de Sentinel-2. C’est lors d’un post-doctorat en Australie qu’elle se spécialise dans les méthodes d’apprentissage profond, alors en plein essor. « J’ai toujours travaillé avec des séries temporelles d’images satellitaires, explique-t-elle. Ce qui m’intéresse, c’est leur caractère dynamique : observer le même endroit régulièrement, détecter ce qui change et comprendre pourquoi ».
Depuis son arrivée à Vannes, elle affine ses modèles pour cartographier l’occupation des sols, reconnaître les cultures ou suivre l’évolution de la végétation. À l’interface entre traitement du signal et intelligence artificielle (IA), ses recherches s’attaquent à plusieurs défis : adapter un modèle appris sur une région à d’autres contextes géographiques, intégrer la dimension temporelle pour suivre les cycles agricoles, ou encore améliorer la précision des prédictions sans sacrifier la rapidité.
- 1Copernicus est le programme européen d’observation de la Terre. Il combine données satellites et mesures au sol pour le suivi de l’atmosphère, des océans et des terres, dédiées à la recherche scientifique, à la gestion environnementale et à la surveillance climatique.
Sa chaire fondamentale de l’IUF lui permet aujourd’hui d’explorer un nouveau paradigme : l’apprentissage continu. Jusqu’à présent, la plupart des modèles exigent une année complète de données avant d’être entraînés. « Mon objectif est de mettre à jour les modèles au fil de l’eau, dès que les données sont disponibles, sans qu’ils oublient ce qu’ils ont appris », résume-t-elle. Une approche prometteuse pour suivre de près les cultures, mais aussi, et surtout, pour améliorer la surveillance des forêts.
Son projet prend une dimension particulière en Amazonie, où elle collabore avec des collègues brésiliens chargés du suivi officiel de la déforestation. Les systèmes actuels détectent les coupes franches, mais peinent à repérer des signaux plus subtils de dégradation qui annoncent une déforestation future. « Détecter la déforestation, ce n’est pas seulement voir qu’un arbre disparaît, c’est comprendre ce qui se passe après : feu, cultures, routes… Autant de signaux faibles qu’il faut suivre dans le temps et dans l’espace. Nous voulons mettre à profit les capacités des modèles d'apprentissage profonds pour améliorer les outils statistiques existants de suivi en temps réel », décrit la scientifique. Pour relever ce défi, Charlotte Pelletier combine des données optiques et des données radar, capables de traverser nuages et frondaisons, avec l’ambition de produire des modèles généralisables au-delà des zones tests.
Ces outils visent à détecter le plus tôt possible les dégradations, afin de donner aux autorités les moyens de prévenir la déforestation. En cas de succès, les méthodes pourraient aussi servir au suivi agricole, à la surveillance des forêts ou à la gestion territoriale sur d’autres régions du globe.