NeurONN : des neurones oscillants pour une nouvelle architecture informatique

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Vaste projet européen, NeurONN vise à apporter la première preuve de concept d’une architecture fonctionnelle à réseaux de neurones oscillants (ONN). Ce système bioinspiré encode les informations dans la phase des vibrations, une approche originale et extrêmement économe en énergie. Lancé au mois de janvier 2020, NeurONN doit durer trois ans.

Devenue une des grandes vedettes de la recherche mondiale, l’intelligence artificielle incite à développer de nouveaux concepts et architectures informatiques. Les ordinateurs atteignent ainsi 1015 opérations (1 million de milliards) en virgule flottante par seconde (FLOPS), là où l’apprentissage automatique (machine learning) pourrait réclamer des puissances allant jusqu’à 1018 FLOPS. Pour relever ce défi, le cerveau est de plus en plus souvent pris comme modèle, aboutissant à des systèmes dits neuromorphiques. Les composants des systèmes neuromorphiques jouent à la fois le rôle des neurones, chargés des calculs, et des synapses, qui s’occupent de la mémoire. Dans ce cadre, le projet NeurONN a été lancé au mois de janvier 2020. Il vise à accélérer la marche vers une informatique neuromorphique, par le biais de composants bioinspirés et efficaces du point de vue énergétique.

« Le cerveau humain consomme seulement 20 watts, là où les ordinateurs demandent 100 watts par centimètres carrés », avance Aida Todri-Sanial, directrice de recherche CNRS au Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (LIRMM, CNRS/Université de Montpellier) et coordinatrice du projet. En plus du LIRMM, les partenaires de NeurONN sont IBM Zurich, Fraunhofer EMFT, l’université de Séville et les entreprises Silvaco et AI Mergence, tandis que son comité consultatif est composé de membres d’Intel Research et de Prophesee. La Commission européenne finance à hauteur de plus de quatre millions d’euros ce projet, prévu pour durer trois ans jusqu’à décembre 2022 et inscrit dans le cadre du programme Horizon 2020.

 « Les appareils électroniques actuels reposent sur l’architecture de von Neumann, qui sépare nettement la mémoire de la partie dédiée au calcul, poursuit la chercheuse. L’architecture neuromorphique vise au contraire à rapprocher ces éléments. De même, en matière d’intelligence artificielle, la plupart des travaux portent sur la partie software, c’est-à-dire les logiciels. Avec NeurONN, nous nous concentrons sur le développement des composants nano-électroniques et d’architectures de systèmes matériels pour résoudre les défis de calcul de l’IA. »

Cela passe par la création de neurones et de synapses artificiels, chargés respectivement du calcul et de la mémoire. Le projet a cependant la particularité de se focaliser sur les réseaux de neurones oscillants, abrégés en ONN en anglais, d’où le nom NeurONN. « Quand nous apprenons un morceau de musique, nos neurones vibrent aux mêmes fréquences que ce que l’on joue, et cela renforce l’apprentissage, avance Aida Todri-Sanial. Nous voulons reproduire cette manière très efficace d’encoder l’information pour l’apprentissage en ligne pour l’IA. »

Nous cherchons à dépasser les standards et les conventions en matière de design électronique. 

Dans le cerveau, des groupes de neurones envoyant des impulsions électriques peuvent être décrits comme des oscillateurs dont la synchronisation et les vibrations s’observent sur les électroencéphalogrammes. Les chercheurs s’inspirent de ce principe en utilisant des composants qui vibrent en guise de neurones artificiels. L’information est alors encodée de façon binaire dans la phase de ces oscillations : si les oscillations sont synchronisées, on obtient un 1, si elles sont décalées, un zéro.

Pour fabriquer ces neurones oscillants, les scientifiques s’intéressent au dioxyde de vanadium (VO2). Ce matériau présente des transitions rapides entre des états où il est métallique et où il est isolant, ce qui le fait vibrer en cas d’enchaînements rapprochés. Pour les synapses artificielles, des memristors en 2D sont privilégiés : ces composants alternent entre une résistance élevée ou faible lorsqu’ils reçoivent un courant. Là encore, cela leur permet de fonctionner en binaire. Pour NeurONN, ils seront conçus en disulfure de molybdène (MoS2). Cela aboutirait à des neurones artificiels 250 fois moins gourmands en énergie et des synapses 330 fois plus frugales que les meilleurs composants classiques.

Avec NeurONN, les chercheurs espèrent obtenir la première preuve de concept que cette architecture fonctionne bien, puis montrer qu’elle est particulièrement efficace sur certaines applications, telles que la reconnaissance d’images et de motifs. À partir de là, les ONN pourront être progressivement étendus afin de réaliser des tâches de plus en plus complexes.

Un exemple de système ONN à cinq neurones et dix synapses. © Aida Todri-Sanial.
Un exemple de système ONN à cinq neurones et dix synapses © Aida Todri-Sanial
Les entrées sont des tensions d'entrée vers les oscillateurs. Pour coder une entrée avec des 0 ou 1, la tension d'entrée des oscillateurs est décalée dans le temps. Le couplage des oscillateurs (valeurs de memristor) est déterminé en fonction du motif à reconnaître. Les sorties sont les tensions de sortie des oscillateurs. La sortie est codée avec la différence de phase entre les oscillateurs. Par exemple, une fois que la sortie de deux oscillateurs est verrouillée en fréquence, nous examinons alors leur différence de phase. S'ils oscillent à la même phase, alors les données de sortie sont 00. Si le deuxième oscillateur a un déphasage par rapport au premier oscillateur, alors les données sont 01. Ainsi, c'est la dynamique de couplage entre oscillateurs qui permet l'apprentissage.

 

Contact

Aida Todri-Sanial
Directrice de recherche CNRS au LIRMM