L’interdisciplinarité pour la sécurité informatique et les sciences humaines et sociales
Le GDR Sécurité informatique et le GDR Internet, IA et société ont organisé une rencontre en janvier 2025 au siège du CNRS à Paris, dédiée aux interactions entre sécurité informatique et sciences humaines et sociales. Cette initiative a réuni plus d’une centaine de scientifiques pendant deux jours et a permis de croiser les regards entre disciplines variées, illustrant un espace de recherche interdisciplinaire de plus en plus structuré.
Quelle a été la motivation pour organiser ces rencontres inter-GDR ?
L’interface entre sciences informatiques et sciences humaines et sociales constitue aujourd’hui un espace de recherche particulièrement fécond, où se déploie une interdisciplinarité de plus en plus structurée. Les travaux menés dans ce champ témoignent d’un croisement méthodologique et conceptuel entre disciplines variées : les sciences informatiques interagissent avec différentes facettes des SHS, qui couvrent la psychologie, le droit, l’ergonomie, les sciences de gestion, la géographie, les sciences politiques, les relations internationales ou encore les études sociales des sciences et des techniques (STS).
Ces collaborations multidisciplinaires donnent lieu à une grande diversité d’objets de recherche, qui sont révélateurs de la richesse et de la portée de ces approches croisées. On y retrouve aussi bien l’étude des effets psychologiques des cyberattaques que les enjeux de confiance dans l’internet des objets (IoT), l’encadrement juridique de la captation des données, la structuration des écosystèmes cybercriminels, ou encore l’analyse géopolitique des menaces numériques. D’autres travaux interrogent le vote électronique, la gouvernance des données de santé, ou explorent les apports des technologies informatiques à la reconstitution et au déchiffrement de documents historiques. L’enjeu des rencontres était de faire le point sur ces interfaces et de dégager de grands axes scientifiques aux interfaces entre les deux GDR.
Comment les sciences informatiques et les sciences humaines et sociales sont impactées par ces nouvelles questions scientifiques ?
La pluralité de perspectives scientifiques mises en évidence pendant les journées inter-GDR illustre la montée en puissance d’un véritable champ interdisciplinaire, où les sciences humaines et sociales ne se contentent plus d’analyser les usages ou les impacts des technologies, mais contribuent pleinement à la production de savoirs sur la sécurité numérique. Ce dialogue entre disciplines ouvre la voie à des approches renouvelées, plus attentives aux contextes, aux pratiques et aux rapports de pouvoir, au service d’une compréhension globale des enjeux contemporains de la cybersécurité.
En retour, l’étude de la cybersécurité se distingue par un recours croissant à des méthodes mixtes, articulant approches qualitatives, telles que les entretiens ou l’observation participante, et quantitatives, comme les analyses de réseaux, les mesures de trafic ou les techniques d’inférence. Cette hybridation méthodologique permet de saisir la complexité des enjeux liés à la cybersécurité dans leurs dimensions sociales, politiques, juridiques et économiques, en dépassant les cloisonnements disciplinaires traditionnels. Elle favorise l’émergence d’analyses plus fines et contextualisées, indispensables à la compréhension de phénomènes souvent inscrits dans des dynamiques sociotechniques.
Quelles vont être les suites de cette journée scientifique ?
Un écosystème scientifique interdisciplinaire se structure progressivement autour de ces enjeux. Historiquement dominé par les approches techniques, le champ intègre désormais pleinement les sciences humaines et sociales, afin de mieux comprendre usages, représentations, régulations et pratiques des acteurs. La structuration de cette communauté scientifique est donc un enjeu clé, pour renforcer la visibilité du champ et favoriser des collaborations interdisciplinaires
Parmi les pistes envisagées figurent la construction d’un vocabulaire commun, la mobilisation d’acteurs institutionnels tels que la CNIL ou l’ANSSI, ainsi que la mise en place de principes de coopération équilibrée, pour éviter qu’une discipline soit cantonnée à un rôle d’appui ou de simple légitimation. Pour cela, l’identification de profils complémentaires, la création d’une liste de diffusion et une meilleure circulation de l’information sur les financements disponibles constituent des leviers essentiels. Par ailleurs, une labellisation commune de certaines initiatives par les GDR, en lien avec les instituts, pourrait renforcer la reconnaissance et la cohérence des travaux menés à l’interface des disciplines.
C’est dans cette perspective qu’une Action transversale « Cybersécurité et SHS » a été approuvée par les instituts concernés du CNRS et va être créée en 2025 par le GDR Sécurité informatique et le GDR Internet, IA et société.