Une Étoile de l’Europe pour la robotique humanoïde

Distinctions Robotique

Nicolas Mansard, directeur de recherche CNRS au Laboratoire d’Analyse et d’Architecture des Systèmes (LAAS-CNRS), veut développer une méthode universelle pour contrôler les robots humanoïdes, quels que soient leurs caractéristiques, l’environnement et les tâches qu’ils doivent effectuer. Cette ambition se manifeste notamment dans le cadre du projet européen MEMMO, où une librairie de mouvement et des algorithmes décident et améliorent en temps réel les mouvements des robots.

Dans l’imaginaire collectif, le robot est généralement représenté avec une forme humaine, bien différente des appareils que l’on croise habituellement dans les usines ou les laboratoires. Il existe pourtant bien un champ d’études spécifiquement consacré à ces machines : la robotique humanoïde. Nicolas Mansard, directeur de recherche CNRS au LAAS-CNRS et membre de l’équipe Gepetto, en a fait son domaine d’expertise.

« Je travaille sur le contrôle de robots complexes, pourvus de bras et de jambes, précise Nicolas Mansard. L’objectif est de faire enfin sortir ces machines du laboratoire, grâce à des mouvements choisis et adaptés à l’aide des capteurs du robot. » Les contrôleurs disponibles pour les robots humanoïdes reposent sur des modèles réduits et des approximations choisies par des experts.

Cette approche, qui demande une reconfiguration à chaque nouvelle situation, ne permet pas d’avancer vers un contrôleur générique, auquel Nicolas Mansard aspire. Ses travaux lui ont déjà valu de recevoir la médaille de bronze du CNRS en 2015 et le grand prix de l’ANR en 2016, des prix auxquels s’ajoute depuis le 6 décembre une Étoile de l’Europe, remise pour son implication dans le projet MEMMO. Cette récompense est accompagnée d’une subvention de quatre millions d’euros sur quatre ans.

Nous voulons concevoir un contrôleur universel, adapté à tous les robots et à toutes les situations.

La méthode de MEMMO repose sur une banque de mouvements préenregistrés. Grâce à des capteurs, le mouvement le plus adapté est choisi en fonction des caractéristiques du robot et de la situation, puis il est optimisé par un simulateur afin de correspondre exactement aux besoins immédiats de la machine. La manœuvre est reproduite chaque fois que les capteurs effectuent une nouvelle mesure de l’environnement du robot, ce qui demande de pouvoir résoudre très rapidement plusieurs problèmes numériques.

« Avec notre système, nous pouvons effectuer jusqu’à mille opérations par seconde afin d’adapter parfaitement la commande aux manœuvres que le robot souhaite effectuer, détaille Nicolas Mansard. En comparaison, un humain n’a besoin de prendre que dix à cinquante décisions par seconde lorsqu’il bouge. Il est ainsi plus efficace que notre contrôleur qui, pour faire aussi bien, aurait besoin de résoudre des problèmes à 10 000 variables, ce qui est pour l’instant bien trop compliqué. »

Le projet MEMMO était focalisé sur trois modèles de robots, chacun destiné à un utilisateur final différent. On retrouve un robot humanoïde devant servir d’ouvrier multitâche chez Airbus, ainsi qu’un robot quadrupède chargé de l’inspection d’ouvrages d’ingénierie civile pour l’entreprise de BTP britannique Costain. Enfin, un exosquelette de l’entreprise française Wandercraft, à destination de l’Association adultes jeunes handicapés (APAJH), devra aider des patients paralysés à marcher. Ces trois cas de figure ne sont pour l’instant pas traités avec le même code dans toutes les situations, mais MEMMO compte toujours atteindre un contrôleur universel.

Nous apportons aux entreprises des méthodes et des algorithmes pour surpasser l’état de l’art.

« J’ai découvert les robots humanoïdes lors de ma thèse et ils me sont apparus comme le challenge ultime, s’enthousiasme Nicolas Mansard. Ils concentrent en effet tous les problèmes que rencontre la robotique : ils sont grands, puissants, complexes, instables… Après vingt ans de travaux sur le sujet, je les vois encore comme la dernière frontière de la robotique : le jour où on saura les faire marcher seuls et en dehors des conditions de laboratoire, on aura résolu toutes les difficultés de la discipline. »

Pour en savoir plus

Lire Le CNRS a deux nouvelles Étoiles de l’Europe (actualité CNRS Info du 06/12/2022)

Contact

Nicolas Mansard
CNRS senior researcher, member of LAAS-CNRS