Prix des meilleures thèses 2022 GDR MACS

Distinctions Automatique

Lucas Brivadis, actuellement en post-doctorat au Laboratoire des Signaux et Systèmes (L2S - CNRS/CentraleSupélec/Université Paris-Saclay), a reçu le prix de la meilleure thèse 2022 délivré conjointement par le GdR MACS et la section automatique du Club EEA, avec le soutien de la SAGIP. Ce prix récompense ses travaux de recherche sur la stabilisation des systèmes de contrôle non-uniformément observables et les observateurs de dimension infinie, réalisés au sein du LAGEPP.
La même distinction a été décernée à Esteban Restrepo pour ses travaux de recherche sur la commande de systèmes multi-agents robotiques autonomes sous contraintes, réalisés au sein du L2S et à l’ONERA Palaiseau. Il est actuellement en post-doc au KTH Royal Institute of Technology, Suède.

Lucas Brivadis : Observateurs de dimension infinie pour les procédés de cristallisation

Les procédés de cristallisation sont communément employés par les industries chimiques, pharmaceutiques et agro-alimentaires pour produire, purifier ou séparer des produits ou composés solides. Ils ont pour objectif de produire des cristaux aux spécifications précises. La taille des cristaux est l’une des caractéristiques qui doit être contrôlée au cours de la cristallisation, car elle influe sur leurs propriétés physico-chimiques. La distribution en taille des cristaux (DTC) est une courbe de densité représentant la proportion de cristaux de chaque taille présents au sein du réacteur. Cette courbe évolue au cours du temps durant le procédé du fait de l’apparition continue de nouveaux cristaux (la germination) et de l’agrandissement des cristaux existants (la croissance).

À l’échelle industrielle, la DTC est cependant difficilement mesurable au sein du réacteur, et les sondes existantes permettent plutôt de mesurer une autre information : la distribution en longueur des cordes (DLC). Cette courbe de densité est accessible via une sonde laser plongée au sein du réacteur durant le procédé. La réflexion du laser à la surface des cristaux permet de mesurer des longueurs sur ces surfaces. Pour un cristal sphérique par exemple, la longueur mesurée peut correspondre au diamètre, mais aussi à n’importe quelle corde, c’est-à-dire n’importe quel segment joignant deux points à la surface du cristal. Il est a priori impossible de savoir si une telle corde correspond au diamètre d’un cristal plus petit, ou bien à une corde d’un cristal plus grand. En effectuant un grand nombre de mesures, la sonde permet d’obtenir la DLC, qui représente la proportion de cordes de chaque longueur mesurée au sein du réacteur.

Se pose alors la question de la reconstruction de l’information utile pour les industriels (la DTC) à partir de la connaissance de l’information accessible par les capteurs (la DLC). À cette information s’ajoute également la connaissance d’un modèle du processus de germination/croissance. La théorie du contrôle propose une classe d’algorithmes dédiée à la résolution de ce problème d’estimation de l’information présente dans un système dynamique à partir de mesures et d’un modèle d’évolution du procédé : les observateurs.

Dans le cas des procédés de cristallisation, deux obstacles essentiels apparaissent lors de la mise en place de tels algorithmes. D’abord, la modélisation de la relation entre DTC et DLC. En effet, la longueur des cordes mesurées sur un cristal donné dépend à la fois de sa taille caractéristique et de sa forme. En modélisant les cristaux comme des ellipsoïdes, une relation explicite entre DTC et DLC a été obtenue.

Ensuite, l’évolution du procédé est décrite par une équation dite aux dérivées partielles, et l’information à estimer (la DTC) tout comme l’information mesurée (la DLC) sont des courbes de densité. La théorie des observateurs de dimension infinie (c’est-à-dire pour lesquels l’information à reconstruire n’est pas caractérisée par un nombre fini de coordonnées) pose encore de nombreux problèmes ouverts en automatique. De nouveaux résultats théoriques ont permis d’établir la convergence de l’algorithme de reconstruction dans un cadre abstrait englobant le cas des procédés de cristallisation.

L’algorithme obtenu a été implémenté et testé numériquement et sa validation expérimentale est un projet en cours.

Esteban Restrepo : La commande de systèmes multi-agents robotiques autonomes sous contraintes

Les systèmes multi-agents sont des systèmes composés de plusieurs unités autonomes qui interagissent entre elles, généralement par le biais d'un réseau de communication. Dans ce contexte, un agent interconnecté reçoit des informations d'un voisin, par exemple la position de ce dernier, de sorte que le système récepteur puisse comparer les informations du voisin aux siennes et prendre des mesures en conséquence. Les systèmes interagissant de cette manière sont dits coopératifs, car ils modifient leur comportement en fonction de celui de leurs agents voisins, afin d'atteindre un objectif commun. Ces systèmes coopératifs offrent de nombreux avantages par rapport aux systèmes mono-agents en termes de polyvalence, de réduction des charges de calcul, de robustesse aux pannes, etc.

Du point de vue de l’automatique, les systèmes multi-agents sont généralement modélisés comme un ensemble d'équations différentielles ordinaires, dont chacune représente la dynamique d'un seul agent (ou système). Les interconnexions du réseau, à leur tour, sont modélisées à l'aide d'une représentation graphique. La théorie des graphes, qui s'appuie essentiellement sur les outils de l'algèbre linéaire pour manipuler et analyser les réseaux de systèmes, est particulièrement utile pour aborder différents problèmes de contrôle des systèmes multi-agents modélisés par des équations différentielles linéaires. Pourtant, dans de nombreuses situations, où les interconnexions entre les agents sont non linéaires, les outils de la théorie des graphes et de l'algèbre linéaire peuvent s'avérer insuffisants pour l'analyse du système multi-agent. Par exemple, dans le contexte des véhicules autonomes coopératifs évoluant dans des environnements physiquement contraints, les restrictions physiques sur le système telles que les collisions à éviter, ou les interconnexions de réseau qui sont fiables dans des portées limitées, sont modélisées via des interconnexions non linéaires entre les agents.

Une des principales contributions théoriques de cette thèse est de fournir une analyse formelle de la stabilité et de la robustesse pour les réseaux de systèmes interagissant par des interconnexions non linéaires et soumis à des contraintes multiples. L’originalité du travail réside principalement dans l’utilisation de modèles de réseaux basés sur la dynamique des interconnexions et la proposition de lois de commande non linéaires dans ces variables, jusqu’à maintenant relativement peu utilisées dans la littérature.

Grâce aux lois de commande proposées et aux garanties de stabilité et de robustesse établies dans ce travail, plusieurs problèmes concrets de robotique autonome ont été abordés et résolus dans des applications réalistes où les robots opèrent sous de multiples restrictions qui entravent la bonne réalisation de la tâche coopérative. Notamment, le problème de rendez-vous en formation pour un groupe de drones autonomes sous des contraintes de connectivité et d'évitement des collisions, en utilisant uniquement des mesures locales, a été traité. Ce problème est pertinent pour l'industrie aérospatiale, compte tenu de l'intérêt croissant pour le déploiement de flottes dans des environnements dangereux.