La rigueur au service de l’aérospatial : Mioara Joldes obtient la médaille de bronze du CNRS

Distinctions Informatique

Dans le contexte du calcul numérique, un nombre réel est codé sur un certain nombre de bits et ne peut donc pas être décrit par sa valeur exacte. De même, les opérations sur les nombres réels sont effectuées sur un certain nombre de bits. Les résultats des calculs numériques sur ordinateur ne sont donc qu’approchés et ne permettent pas toujours d’obtenir un résultat mathématiquement exact. Si ces approximations sont négligeables dans la majorité des cas, elles ne sont souvent pas tolérables dans des applications critiques, impliquant la sécurité de personnes ou de biens. Mioara Joldes du Laboratoire d’Analyse et d’Architecture des Systèmes (LAAS-CNRS) gère ce problème grâce au calcul numérique certifié (rigourous computing).

Face à une opération complexe, nous déléguons souvent la tâche à une calculatrice ou à un ordinateur avec l’assurance d’obtenir rapidement la bonne réponse. Ce n’est cependant pas assez pour Mioara Joldes. Cette chargée de recherche CNRS au Laboratoire d’Analyse et d’Architecture des Systèmes (LAAS-CNRS) est spécialisée dans le rigourous computing, une discipline qui vise à dépasser les limitations des ordinateurs et des calculateurs sur certaines opérations. Une quête de l’exactitude qui lui vaut la médaille de bronze du CNRS.

« Pour prendre un exemple simple, lorsque l’on divise un par trois sur une calculatrice, on obtient 0,333…, explique Mioara Joldes. On ne peut en effet pas représenter exactement tous les résultats avec un nombre fini de chiffres (ou bits) sur une machine. » Ces infimes erreurs, que l’on retrouve également lors de calculs avec des fonctions usuelles, comme les sinus et cosinus, n’ont généralement pas d’impact. Elles peuvent cependant parfois s’accumuler au point de donner un résultat incompatible avec le degré de précision nécessaire à certaines applications.

Mes travaux sont d’habitude très en amont, ils ont cette fois très vite été implémentés.

Mioara Joldes perfectionne ainsi les calculs de contrôle spatial. Arrivée au LAAS-CNRS en 2013 après une thèse en informatique fondamentale, Mioara Joldes a déjà encadré trois thèses touchant à l’informatique fondamentale, à la certification et à l’efficacité du calcul ainsi qu’au calcul formel. Une des applications de ces travaux vise à estimer les probabilités de collision entre satellites et débris spatiaux, dans le cadre d’une collaboration avec le CNES1  et d’autres acteurs toulousains du spatial. Mioara Joldes, les personnes qu’elle encadre en doctorat et les scientifiques avec lesquels elle collabore, ont ainsi conçu des algorithmes que l’agence spatiale utilise depuis régulièrement.

Les calculs de trajectoires et d’orbites demandent souvent d’itérer de nombreuses fois un système dynamique, au risque qu’une erreur infime dans l’approximation des entrées de la simulation finisse par prendre une ampleur aux conséquences désastreuses. Le rigourous computing n’apporte qu’une réponse inexacte à ces calculs, mais conserve scrupuleusement les bornes sur les erreurs commises, permettant ainsi de les contrôler finement.

  • 1Centre national d’études spatiales
Même les mathématiciens utilisent des ordinateurs et des calculatrices. Le rigourous computing sert d’ailleurs énormément à la preuve assistée par ordinateur.

Pour y parvenir, le rigourous computing passe par des outils mathématiques tirés de l’analyse fonctionnelle et numérique, ainsi que du calcul et de la preuve formels. Leur combinaison doit non seulement fonctionner, mais aussi aboutir à des algorithmes qui ne deviennent pas si complexes qu’ils prendraient trop de temps à s’exécuter. « J’emploie différents outils et environnements informatiques, qu’ils soient propriétaires comme Maple et Mathematica consacrés au calcul formel, ou à plus bas niveau comme le langage C », précise Mioara Joldes.

Cette capacité à trouver des applications concrètes à partir de thématiques et d’outils bien plus fondamentaux lui vient de son parcours. « J’ai d’abord suivi une formation d’ingénieure, puis j’ai passé ma thèse à l’ENS Lyon, évoque Mioara Joldes. J’y avais déjà effectué un stage de recherche lors de mon master, ce qui a été l’occasion de découvrir les problèmes du rigourous computing. J’ai alors décidé de me consacrer à la recherche, alors que je ne l’envisageais pas à la base. Ça a été l’aboutissement de tout un processus lié à ma scolarité et à ma compréhension de la science. »

Aujourd’hui, cette approche et son parcours sont distingués par une médaille de bronze du CNRS. « Il n’y a pas beaucoup de récompenses de ce type dans ce métier, mais la médaille confirme que mon travail est apprécié par les autres chercheurs, se réjouit Mioara Joldes. J’espère utiliser cette médaille pour poursuivre mes travaux, ainsi qu’encadrer et collaborer avec d’autres étudiants. Je remercie d’ailleurs tous mes collaborateurs et mes doctorants, car je ne travaille pas seule et ils sont la source principale de cette récompense. »

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