Un projet ERC pour enrichir l’interaction tactile avec les mondes virtuels

Distinctions Robotique

Voir, entendre et bientôt toucher les environnements virtuels. Pour franchir ce nouveau cap, Maud Marchal conçoit des algorithmes visant à enrichir les retours haptiques lorsque nous interagissons avec des environnements virtuels ou augmentés. Dans le cadre de sa bourse ERC Consolidator, la professeure des universités à l’INSA Rennes et chercheuse à l'Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (IRISA - CNRS/Université de Rennes 1) souhaite comprendre comment combiner différents stimuli et déterminer la meilleure réponse haptique à envoyer à l’utilisateur afin d’accroître la qualité de son expérience en réalité virtuelle.

Depuis une trentaine d’années, les interactions avec les environnements virtuels ont favorisé la stimulation visuelle et auditive des utilisateurs. Le sens du toucher a été plus rarement associé, se limitant à une utilisation dans des applications spécifiques. En effet, contrairement à la vue et à l’ouïe, le toucher ne repose pas sur un seul organe. Il s’appuie d’une part sur nos muscles et nos articulations qui apportent la sensation kinesthésique majoritairement utilisée dans les dispositifs de retour de force, et d’autre part sur les récepteurs présents sous notre peau générant la sensation tactile. Les multiples possibilités pour stimuler le retour tactile font qu’il est complexe à mettre en œuvre dans notre interaction avec des environnements virtuels, avec un besoin d’interfaces dédiées à chaque type de stimuli.

Ces dernières années, l’avènement de la réalité virtuelle grand public et l’émergence d’interfaces haptiques portables avec la démocratisation de l’impression 3D ont rebattu les cartes en faveur du retour tactile. Et s’il était possible de développer de nouvelles interfaces stimulant de multiples sensations tactiles en même temps ? C’est une des questions au cœur des travaux de Maud Marchal, professeure d’informatique à l'INSA Rennes. La chercheuse crée des modèles, des algorithmes et les interfaces associées, afin d’enrichir les capacités sensorielles des personnes qui interagissent avec des mondes virtuels ou augmentés.

Mes travaux visent à concevoir des algorithmes permettant d’enrichir les retours sensoriels des personnes qui interagissent avec des mondes virtuels.

« Comprendre quelles parties du corps stimuler pour apporter des sensations aux utilisateurs est une question particulièrement complexe en termes de perception humaine et de technologie », explique la chercheuse. Ainsi, la perception du corps humain dans un monde virtuel diffère de celle dans le monde réel. Si bien qu’il est nécessaire de développer de nouvelles connaissances en physiologie humaine et en neurosciences adaptées à ces nouveaux environnements. « Nous arrivons à stimuler le corps de plein de façons différentes avec des vibrations, des changements de température, des frottements, etc. Toutefois, nous devons déterminer s’il est possible de combiner différents stimuli, présente la chercheuse. Et auquel cas : où, quand et comment transmettre ce retour à l’utilisateur ? ». Pour répondre à ces questions, son ERC Consolidator ADVHANTURE se consacrera à la conception de nouveaux modèles et paradigmes d’interaction permettant de combiner plusieurs stimuli haptiques.

Dans mon projet ERC ADVHANDTURE, je m’intéresse en particulier à la main du fait de son rôle central dans notre interaction haptique avec notre environnement.

Un des défis majeurs est de concevoir des expériences multisensorielles dans les environnements immersifs. Pour maintenir l’immersion, les algorithmes développés devront être à même de synchroniser les différents sens mis en éveil en apportant des stimuli haptiques en temps réel. « Amener un ressenti tactile adapté à une situation virtuelle demande davantage de temps de calcul que pour les autres sens. Cela signifie que nos algorithmes devront être performants dans la transmission haptique sans être trop complexes au risque d’avoir un retour désynchronisé des autres sens », explique la chercheuse.

Afin de concevoir les nouveaux modèles de retour haptique, des expériences seront réalisées auprès d’utilisateurs en amont pour mieux comprendre la perception de plusieurs stimuli haptiques combinés en réalité virtuelle, mais aussi en bout de chaîne afin de tester les algorithmes créés. À terme, ces travaux auront des retombées en santé, notamment dans le cadre de programmes de rééducation à la mobilité. Ils serviront également au prototypage virtuel dans l’industrie ou à l’apprentissage des gestes au sein d’une chaîne de production.

Contact

Maud Marchal
Professeure à l'INSA Rennes, membre de l'IRISA