Sophie Abby, médaillée de bronze pour ses travaux en bioinformatique

Distinctions Informatique

La microbiologie produit massivement des données de génomes dont les mystères restent à démêler. Les travaux de Sophie Abby, chercheuse au laboratoire recherche Translationnelle et Innovation en Médecine et Complexité (TIMC - CNRS/Université Grenoble Alpes), portent sur la modélisation de l’évolution de systèmes biologiques chez les bactéries et les archées. Ses recherches interdisciplinaires lui valent de recevoir la médaille de bronze du CNRS.

L’histoire de l’évolution du vivant se cache depuis plus de trois milliards d’années dans la diversité génétique des espèces qui nous entourent. En ce sens, les biologistes scrutent le génome de différentes formes de vie à la recherche des branches qui les relient au sein de l’arbre du vivant. À l’aide d’outils d’évolution moléculaire, de phylogénie et de modèles informatiques, Sophie Abby, chargée de recherche CNRS à TIMC, contribue à l’âge d’or de la microbiologie. « J’ai eu la chance d’avoir des modules en sciences computationnelles très tôt durant ma formation universitaire en biologie, et j’ai rapidement vu l’intérêt d’appliquer des méthodes informatiques pour automatiser des recherches sur les questions de l’évolution », décrit-elle.

La chercheuse s’intéresse aux mécanismes de diversification du vivant. Elle étudie en particulier les génomes et les voies métaboliques des procaryotes (bactéries et archées), des micro-organismes unicellulaires dépourvus de noyau. « Le début des années 2000 a été marqué par l’essor du nombre de séquences génomiques disponibles. Aussi, on s’est rendu compte que l’organisation par fonction des génomes procaryotes facilite l’identification des empreintes laissées par l’évolution », explique-t-elle. Au cours de ses premiers travaux, elle démontre notamment la façon dont la détection de transferts horizontaux de gènes entre lignées cellulaires peut être utilisée afin de reconstituer l'arbre évolutif.

L’accès à des centaines de milliers de génomes de milieux très divers remet en cause l’idée qu’on pouvait avoir du rôle de certaines bactéries et archées dans leur environnement.

Puis en 2010, alors qu’elle travaille sur l’évolution de plusieurs systèmes de sécrétion bactériens, Sophie Abby a l’idée de développer le logiciel en licence open source MacSyFinder. L’objectif : faciliter et automatiser l’annotation d’ensembles de gènes participant à une même fonction dans les génomes de ces organismes. Cela permet une annotation fonctionnelle bien plus précise dans un contexte où une grande partie des fonctions des génomes procaryotes demeurent un mystère. Le programme est désormais intégré au sein de la plateforme d’annotation de génomes procaryotes du Genoscope. « Nous avons mis à disposition des biologistes cette façon de faire reproductible pour que d’autres chercheurs puissent installer automatiquement les modèles d’annotation développés, les adapter à leurs cas d’étude, ou en créer de nouveaux », souligne la chercheuse.

Le point commun entre les différents travaux de Sophie Abby est qu’ils se trouvent à l’interface avec d’autres disciplines. Dans une collaboration en cours avec Nelle Varoquaux, chargée de recherche CNRS à TIMC et spécialiste de l’apprentissage statistique, elle explore le potentiel de nouvelles méthodes pour l’annotation fonctionnelle des génomes. « Ce que je regarde s’appuie presque toujours sur des connaissances antérieures : trouver des gènes similaires, des similarités de séquences au cœur des génomes, etc. Ce nouveau projet veut élargir cette vision en appliquant des méthodes d’apprentissage qui pourraient prédire la présence de nouveaux gènes impliqués dans des fonctions similaires », décrit-elle.

Adopter une vision multi-échelle dans mes travaux est très stimulant, car cela me permet de collaborer avec des spécialistes de nombreuses disciplines différentes et d’acquérir de nouvelles connaissances en permanence.

En parallèle, Sophie Abby s’intéresse également aux voies de biosynthèse des quinones, des molécules impliquées dans la respiration cellulaire. L’ambition est de comprendre l’évolution du métabolisme énergétique des bactéries en lien avec l’évolution de leur environnement biogéochimique. « On essaye de prédire quel était le contenu en quinones des protéobactéries qui ont donné naissance à de nombreuses lignées cellulaires adaptées à l’oxygène, dont la mitochondrie présente chez l’humain », ajoute la chercheuse.

Aujourd’hui, Sophie Abby se voit décerner la médaille de bronze du CNRS pour l’ensemble de ses travaux. Une récompense qu’elle reçoit avec enthousiasme : « Il y a de nombreux sujets à la limite de mon expertise qui m’intéressent et l’interface entre différentes disciplines est très stimulante. Je vois cette médaille comme un encouragement à poursuivre dans cette direction ».

Contact

Sophie Abby
Chargée de recherche CNRS, membre du TIMC