Le projet CO/DA primé pour ses improvisations croisées de danse, de musique et de programmation

Distinctions Informatique

Les rôles entre danseurs et musiciens n’ont rien de figé. Le projet CO/DA utilise des capteurs sur des danseurs pour contrôler la musique, selon des paramètres programmés en direct. Conçu par un chercheur et une enseignante-chercheuse du LISN (CNRS/Université Paris-Saclay), et un enseignant-chercheur de l’Université Simon Fraser (Canada), CO/DA a reçu une mention d’honneur lors de la conférence ACM CHI’22, la plus prestigieuse dans le domaine des interactions humain-machine.

Si différentes avancées scientifiques ont pu bénéficier aux artistes, il est plus rare de voir des chercheurs être les interprètes de leurs propres travaux. Le projet CO/DA réunit ainsi musique, danse et informatique dans une même œuvre jouée par ses programmeurs. Jules Françoise, chargé de recherche CNRS au Laboratoire Interdisciplinaire des Sciences du Numérique (LISN, CNRS/Université Paris-Saclay), contrôle l’environnement sonore tandis que Sarah Fdili Alaoui, maîtresse de conférence à l’Université Paris-Saclay, chorégraphe et elle aussi membre du LISN, danse. Leurs deux performances improvisées se nourrissent l’une l’autre grâce à un système de capteurs.

« CO/DA a commencé en 2018 avec également Yves Candau, de l’université canadienne Simon Fraser, explique Jules Françoise. Le projet se place à l’intersection des interactions humain-machine et de la pratique artistique. » CO/DA a ainsi reçu une mention d’honneur lors de la conférence ACM CHI1 , la plus prestigieuse dans le domaine de l’interaction humain-machine.

CO/DA est centré autour d’une bibliothèque logicielle spécialement programmée par l’équipe pour récupérer les signaux issus de capteurs portés par des danseurs. Ces informations sont alors attribuées librement au contrôle de différents paramètres de la synthèse sonore, dans une démarche dite de live coding. Cette pratique de programmation en direct est le pendant informatique de l’improvisation. Pensé pour assouplir les performances, le live coding est surtout utilisé pour manipuler de la musique ou de la vidéo.

  • 1Association for computing machinery – conference on human factors in computing systems.
Nous pouvons utiliser des paramètres comme l’énergie et la fréquence d’un mouvement, la différence de vitesse entre deux bras, les contractions des muscles…

La musique provient ici de synthétiseurs, qui découpent par exemple des échantillons de sons pour les jouer sans qu’on en connaisse la source, conçus au laboratoire Sciences et Technologies de la Musique et du Son (STMS - CNRS/Ircam/Ministère de la culture/Sorbonne Université) et où Jules Françoise et Sarah Fdili Alaoui ont obtenu leur doctorat. La bibliothèque logicielle qui permet de contrôler ces instruments a vocation à s’agrandir pour devenir, à terme, une véritable plateforme pour le live coding.

L’équipe a utilisé un capteur commercial appelé MYO, qui contient un accéléromètre et un gyroscope ainsi que des électromyographes qui mesurent l’activité musculaire. Le tout reste suffisamment léger et compact pour ne pas gêner les danseurs, un rôle tenu ici par Sarah Fdili Alaoui seule. Elle réagit à la musique de Jules Françoise, qui enrichit ses textures sonores avec les mouvements de sa collègue et ainsi de suite. Chacun nourrit ainsi l’improvisation de l’autre.

Nous étudions la manière dont les technologies interviennent dans le contexte créatif. 

Ces travaux ne s’arrêtent cependant pas une fois l’œuvre réalisée en public. « Notre recherche est basée sur l’étude de performances en contexte réel, avance Sarah Fdili Alaoui. Les technologies nous aident à créer, mais la performance qui en ressort permet en retour de contextualiser ces technologies et de les pousser davantage. L’expérimentation va dans les deux sens. »

Il n’y a actuellement pas de nouvelle présentation de CO/DA de programmée, mais les chercheurs comptent postuler à des festivals spécialisés dans le live coding. « Nous respectons le principe de l’improvisation et aucune de nos performances ne ressemble aux précédentes, souligne Sarah Fdili Alaoui. Tout est décidé à la volée grâce à l’interaction entre nos médiums et le corps. »

© Christian MOREL / LISN / CNRS Photothèque

Contact

Sarah Fdili Alaoui
Maîtresse de conférence à l’Université Paris-Saclay, membre du LISN
Jules Françoise
Chargé de recherche CNRS au LISN