Laurent Feuilloley et l'informatique théorique

Distinctions Informatique

Laurent Feuilloley a rejoint le Laboratoire d'Informatique en Images et Systèmes d'Information (LIRIS - CNRS/INSA de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1) en 2022 en tant que chargé de recherche CNRS.

Quel est votre domaine de recherche ?

Laurent Feuilloley : De façon générale, je travaille en informatique théorique, c’est-à-dire que je m’intéresse à ce que les ordinateurs peuvent calculer, à quelle vitesse, avec quelles informations. Mon travail consiste à aborder ces questions avec des outils mathématiques : modéliser et simplifier le problème, identifier les hypothèses importantes, et prouver des théorèmes sur les objets étudiés. Plus précisément, je fais de l’algorithmique : je cherche à optimiser la façon de résoudre certains problèmes, ou à démontrer que des problèmes sont intrinsèquement difficiles.

Il y a plusieurs sous-domaines en algorithmique, selon les modèles et les problèmes étudiés. Je suis spécialisé sur des problèmes de réseaux (représentés par des graphes) dans des modèles de calculs distribués. Une question typique de mon travail est : comment faire en sorte, en théorie, que les machines d’un réseau puisse faire un calcul ensemble, en utilisant peu de communication, peu de temps, et en arrivant à un bon résultat, même si il y a des pannes, des erreurs de transmission, etc. ?

Mais je m’intéresse également au reste de l’algorithmique, et je travaille aussi sur des modèles centralisés (c’est-à-dire non-distribué, avec un seul ordinateur), online (c’est-à-dire avec des données arrivant sous forme de flux), etc. Tous ces domaines sont très similaires en termes d’approches et de techniques, et j’aime bien faire l’interface entre différentes communautés de recherche. Une question qui m’intéresse particulièrement aujourd’hui est celle de l’interaction entre l'information et le calcul. Dans de nombreux cas, plus on a d’informations pertinentes sur un problème, plus on peut le résoudre vite, et j’essaye de mieux comprendre ce lien.

Qu’avez-vous fait avant d’entrer au CNRS ? Pourquoi avoir choisi le CNRS ?

L.F. : J’ai passé mon bac en 2008, et j’ai été en classe préparatoire à Nice avec l’intention de devenir ingénieur. En prépa, j’ai découvert qu’il y avait d’autres débouchés, dont les Écoles normales supérieures (ENS), qui forment à la recherche. J’ai fait une troisième année de prépa pour pouvoir entrer dans l’une d’elles (l’ENS Cachan). J’y ai suivi un enseignement d’abord en maths/info puis seulement en informatique, mais ça restait assez théorique, ce qui m’allait très bien. J’ai pu faire des stages de recherche qui m’ont beaucoup plu, en bioinformatique à Lyon, en optimisation combinatoire au Chili et en Suisse, et en algorithmique distribuée en Finlande.

Ensuite, j’ai bénéficié d'un financement destiné aux normaliens pour faire une thèse avec Pierre Fraigniaud, directeur de recherche CNRS, à l’Institut de Recherche en Informatique Fondamentale (IRIF - CNRS/Université Paris Cité) en algorithmique distribuée, et plus précisément en certification locale, qui est devenu ma spécialité. À ce moment là, j’ai découvert le CNRS, et j’ai commencé à espérer pouvoir y rentrer, puisque j’aimais beaucoup la recherche, et que les chercheurs CNRS autour de moi avaient l’air content ! Avant que cela se réalise, j’ai fait un postdoc à Sorbonne Université, un autre au Chili, et puis un à Lyon, dans mon équipe actuelle, au LIRIS. Ce furent de très bonnes expériences, qui m’ont beaucoup appris. C’est un grand privilège d’être chercheur au CNRS, pour pouvoir se consacrer à la recherche, avoir une grande liberté sur les sujets de recherche, et la manière de les aborder.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire de l’informatique et/ou des sciences du numérique ?

L.F. : Au départ, je n’étais pas du tout attiré par l’informatique. J’étais bon élève, j’aimais bien les maths, mais je voyais l’informatique comme un domaine obscur, entre bidouillage de logiciel et jeux vidéo. Je me souviens que mon prof de maths avait fait venir un mathématicien dans notre classe en terminale, et quand il avait dit que l’informatique était centrale dans son travail, ça m’avait refroidi. À l’époque, il n’y avait pas d’enseignement d’informatique dans ma filière au lycée (en dehors de l’utilisation de logiciels).

Arrivé en prépa, j’ai suivi en parallèle les options informatique et sciences de l’ingénieur, avec un mauvais a priori pour l’informatique, mais j’ai finalement très vite accroché ! Enfin, au moins à la théorie, j’étais un peu moins à l’aise pour coder. Et petit à petit, je me suis aussi rendu compte que je comprenais mieux les notions de mathématiques discrètes (en gros les « maths de l’informatique ») que les notions de mathématiques plus standards, en particulier d’analyse, que je pouvais manipuler mais qui semblaient toujours un peu magiques. J’appréhendais encore l'étude de l’informatique quand j’ai passé les concours des ENS (en particulier par rapport à la programmation), que j’ai passé en informatique et en maths. Comme je n’ai pas été pris en maths, je me suis orienté vers l'informatique. À l’ENS, j’ai compris qu’il y avait vraiment de la place en informatique pour les gens comme moi qui préfèrent la théorie au code. A posteriori, je pense que je suis plus heureux que si j’avais continué dans les maths pures. Aujourd’hui, je me dis que je devrais apprendre à mieux coder !

Contact

Laurent Feuilloley
Chargé de recherche CNRS au LIRIS