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Ces microrobots permettent de manipuler des cellules !

Dossier
Paru le 02.09.2022
Le siècle des robots

Ces microrobots permettent de manipuler des cellules !

28.09.2022, par
Des robots d’une dizaine de micromètres sont aujourd’hui capables de saisir, pousser, ou même « palper » des cellules ! Ces étonnantes micromachines, conçues à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique, sont d’ores et déjà déployées dans des projets d’applications biomédicales.

Les images sont saisissantes (voir les vidéos ci-dessous) : des « engins de chantier » microscopiques, contrôlés à distance par un opérateur humain, attrapent et déplacent des cellules biologiques. Ces très très petits robots mobiles sont actionnés grâce à des techniques optiques avec retour de force, ce qui permet à l’opérateur de ressentir les forces d'interaction avec les « charges » transportées.
   
Ces étonnants robots d’une dizaine de micromètresFermerLe préfixe « micro » divise une unité de mesure par un million. Un micromètre est égal à un millionième de mètre, soit un millième de millimètre. — environ deux fois le diamètre d’un globule rouge — sont issus des travaux d’Edison Gerena, postdoctorant à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique1 (Isir), et lui ont valu le prix de thèse 2020 du groupement de recherche Robotique du CNRS.

Indirect Manipulation-ClusterTransportation

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Année de production: 
2022
 

Les pinces optique à la manœuvre

Pierre angulaire de la technique : le principe des pinces optiques2 qui permet de piéger un objet microscopique avec un faisceau laser. En effet, si la lumière laser est correctement focalisée sur sa cible, sa réfraction et sa diffraction transmettent une force supérieure aux forces visqueuses qui maintiennent l’objet en place. Il est alors possible de faire bouger l’objet en déplaçant le laser dans toutes les directions avec un surprenant niveau de précision.

Les microrobots permettent de faire bouger un objet en déplaçant le laser dans toutes les directions grâce à un joystick, et ce avec un surprenant niveau de précision.

« La technique de la pince optique n’est pas neuve, elle a été développée aux États-Unis dès 1987, mais nous l’avons robotisée en vue de l’industrialiser. Et surtout, nous lui avons ajouté un retour de force, précise Sinan Haliyo, chercheur à l’Isir et maître de conférences à Sorbonne Université, qui a dirigé les travaux du postdoctorant. Nous comprenons ainsi mieux comment les forces se répartissent et nous captons les interactions avec l’environnement, ce qui offre un meilleur contrôle des “objets” saisis et une interactivité inégalée. »

Indirect Manipulation-SingleCell Manipulation

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Un joystick équipé d'un système de retour de force

Le système est équipé d’une caméra événementielle : elle ne montre que l’information dynamique de la scène, c’est-à-dire essentiellement les mouvements. Grâce à elle, les mesures des forces d’interaction entre la cible et son environnement sont plus fines. De plus, le fameux retour qui permet de prendre en compte la réaction de l’objet à ces forces permet d’adapter la commande avec une précision extrême. Au final, le contrôle atteint une résolution de l’ordre du piconewtonFermerLe préfixe « pico » divise une unité de mesure par mille milliards. Le newton est une unité de mesure des forces en physique., soit un dix-milliardième du poidsFermerLe poids est une force, c’est la force de la pesanteur, et il se mesure en newton (tandis que la masse se mesure en kilogramme). Sur Terre, le poids est égal à environ dix fois la masse. exercé par un objet de seulement un gramme.

L'opérateur « ressent » les caractéristiques mécaniques des cellules qu’il peut pratiquement « palper » à distance.

À ces échelles, les observations se font au microscope optique qui n’offre qu’une image en deux dimensions, avec très peu de profondeur de champFermerZone de l’espace dans laquelle doit se trouver le sujet à photographier ou à observer pour qu'on en obtienne une image que l’œil ou un autre système optique acceptera comme nette. En photographie, elle désigne la zone de netteté de l’image, à l'avant et à l'arrière du plan de mise au point.. Or les cellules et les microrobots, en suspension dans un liquide, naviguent dans un espace à trois dimensions... Pour les faire se rencontrer sans se rater, l’opérateur, aux commandes d’une sorte de joystick, a besoin de savoir dans quel plan chacun et chacune se situent.

Une sorte de joystick à retour de force permet de diriger très finement les microrobots dans toutes les directions au sein d'échantillons biologiques (cellules cancéreuses, bactéries, parasites, etc.).
Une sorte de joystick à retour de force permet de diriger très finement les microrobots dans toutes les directions au sein d'échantillons biologiques (cellules cancéreuses, bactéries, parasites, etc.).

Il accède à cette information grâce au retour de force du joystick : celui-ci exerce une force sur la main de l’opérateur lorsque l’objet contrôlé rencontre une résistance. L’opérateur sait alors s’il est ou non au contact de sa cible. Il « ressent » ainsi le contact et les caractéristiques mécaniques des cellules qu’il peut pratiquement « palper » à distance.

Mieux encore : les objets, de quelques micromètres seulement, manipulés par le système peuvent être assemblés pour former des outils et des machines plus complexes d’une centaine de micromètres. Et le passage d’un même rayon laser — avec une vitesse et une focalisation différentes — sur plusieurs objets à la fois, offre même une maîtrise fine de chaque partie de l’ensemble en trois dimensions. Ce contrôle, totalement transparent pour l’opérateur, lui permet de commander intuitivement le mouvement du microrobot à travers l’interface haptique.

Fabriqués grâce à une imprimante 3D

Ces microrobots bénéficient d’un mouvement à six degrés de libertéFermerCela signifie que les six types de mouvement sont possibles : trois déplacements (gauche/droite, avant/arrière et haut/bas) et trois rotations (selon les trois axes de l’espace)., similaire aux déplacements d’un drone dans l’air. Ils ont été conçus grâce à une imprimante 3D de la société Nanoscribe, capable d’une résolution de cent nanomètresFermerLe préfixe « nano » divise une unité de mesure par mille millions. Un nanomètre est égal à un millionième de millimètre., tandis que le matériau utilisé est un polymère spécifique biocompatible. Pensés et développés à l’Isir, les microrobots ont ensuite été fabriqués par une équipe de l’institut Femto-ST3  de Besançon, spécialisée dans l’impression 3D à de si petites échelles.

Installation d’un échantillon dans une station de pinces optiques, technique qui permet de piéger puis faire bouger à loisir un objet microscopique avec un faisceau laser. Les microrobots développés à l'Isir utilisent cette technique.
Installation d’un échantillon dans une station de pinces optiques, technique qui permet de piéger puis faire bouger à loisir un objet microscopique avec un faisceau laser. Les microrobots développés à l'Isir utilisent cette technique.

L’impression 3D permet de fabriquer une grande quantité d’outils différents et de les adapter en fonction des besoins. Les chercheurs obtiennent par exemple des microrobots capables de saisir une cellule et de la retourner pour l’observer sous toutes ses coutures. Ils ont également conçu une machine équipée d’une sonde qui mesure en temps réel les forces d’interaction et la résistance des objets qu’elle touche, le tout à l’intérieur d’une boîte de Petri.FermerBoîte cylindrique transparente, peu profonde, en verre ou en plastique, et munie d'un couvercle. Elle tient son nom du bactériologiste allemand Julius Richard Petri qui inventa ce dispositif vers 1887 lorsqu’il était l’assistant du docteur Robert Koch. Véritable instrument scientifique, adapté à la biomédecine, le dispositif a été développé lors du projet ANR IOTA.

Un coup de « main » pour viser les cellules tumorales

« Nous explorons à présent les applications de ces technologies en biologie expérimentale, explique Sinan Haliyo en citant le projet ANR OptoBots. Nous travaillons notamment sur le cancer du côlon4 avec l'objectif d'utiliser les lymphocytes T. Ces globules blancs particuliers s'attaquent aux cellules cancéreuses par un phénomène d’adhésion mécanique. Mais certaines cellules tumorales ne sont pas correctement détectées et nous avons besoin d’outils pour en comprendre les raisons. » Les chercheurs espèrent ainsi que cela permettra, à terme, de « programmer » les lymphocytes pour viser les cibles qui leur échappent encore.

Optical teleoperated microrobots

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En projet : robotiser la sélection des gamètes et d’autres étapes du procédé de FIV. Aujourd’hui, c’est fait avec des pipettes, ce qui revient quasiment à manipuler une brique de Lego avec une grue.

Autre piste : les microrobots pourraient être utiles dans le cadre des techniques d’assistance médicale à la procréation, comme la fécondation in vitro (FIV). « Face à une énorme demande et un taux de réussite inférieur à 20 %, nous avons eu l’idée de robotiser la sélection des gamètes et d’autres étapes du procédé, détaille Sinan Haliyo. Cela se fait aujourd’hui encore à la main par le biais de pipettes, ce qui revient quasiment à manipuler une brique de Lego avec une grue... » Les chercheurs envisagent une collaboration avec le service de biologie de la reproduction Cecos de l’hôpital Tenon5, à Paris.

En plus de sa précision, le système de micromanipulation permet de contrôler des robots à l’intérieur de systèmes hermétiques, comme les laboratoires sur puceFermerDispositifs miniaturisés qui intègrent au sein d'une simple puce une à plusieurs analyses qui sont communément réalisées en laboratoire, telles que le séquençage ADN ou bien la détection d'agents biochimiques. par exemple. Particulièrement adaptés aux situations rencontrées en recherche biomédicale, où les échantillons sont très sensibles à l’environnement, les microrobots ne risquent donc pas de chômer ! ♦

À lire aussi sur notre site :
Voici le microrobot le plus rapide du monde
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Le siècle des robots (dossier)
    

Les publications des chercheurs :
Robotic optical-micromanipulation platform for teleoperated single-cell manipulation
Improving optical micromanipulation with force-feedback bilateral coupling
Tele–Robotic Platform for Dexterous Optical Single-Cell Manipulation

 

Notes
  • 1. Unité CNRS/Sorbonne Université.
  • 2. Technique développée par l’Américain Arthur Ashkin, lauréat du prix Nobel de physique en 2018.
  • 3. Institut Franche-Comté électronique mécanique thermique et optique — sciences et technologies (CNRS/COMUE Université Bourgogne Franche-Comté).
  • 4. Avec Thierry Rose, chercheur à l’Institut Pasteur.
  • 5. Service dirigé par la professeure Rachel Levy.
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Auteur

Martin Koppe

Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, Martin Koppe a notamment travaillé pour les Dossiers d’archéologie, Science et Vie Junior et La Recherche, ainsi que pour le site Maxisciences.com. Il est également diplômé en histoire de l’art, en archéométrie et en épistémologie.

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